La Luciole (Alençon), le 7 juin 2002
Parmi les nombreuses photos qui ornent les murs de la Luciole tels des trophées, une semble plus
réelle que jamais ; prise il y a quelques années de cela on y voit un homme jouer de sa guitare dans
cette même salle au plafond étoilé. Ce soir cet homme est toujours là, il a une autre coupe de cheveux
et tente en vain de se frayer un chemin vers la gloire tant méritée.
A un concert à la belle étoile dans la chaleur de la salle, les organisateurs ont préféré un set type
festival en plein air sous un ciel menaçant. Un mélange de bruine et de vent s’attaque au groupuscule
qui forme le public ainsi qu’aux groupes qui joueront ce soir. Toujours vêtue de sa longue robe noire
et accompagnée pour l’occasion d’une veste, l’inévitable Pina parvient timidement à réchauffer
l’atmosphère de sa voix rauque.
L’homme de la photo fait ensuite son entrée suivi de deux autres personnes, Joseph Arthur ne prend
même pas le temps de jouer en solo et attaque sans attendre les morceaux avec son groupe. Les titres
s’enchaînent à une vitesse, comme s’il voulait finir le concert alors qu’il avait à peine débuté.
Face à un espace plus désert que peuplé, la motivation est bien minime. On ne sait pas trop pour
qui ou quoi Joseph joue ce soir. L’enthousiasme et l’excitation à l’idée d’exhiber ses peintures
musicales ne sont plus les mêmes qu’au début de sa tournée. L’envie de toucher un public plus large
gagne sur celle de surprendre ad vitam eternam ses adeptes de la première heure ; ainsi les rock’n roll
songs de trois minutes l’emportent sur les expérimentations ténébreuses. La plupart des titres,
pour ne pas dire la totalité, sont interprétés avec le groupe. Une approche beaucoup plus directe
permet en conséquence à Joseph Arthur d’apprécier immédiatement les effets de ses nouvelles
compositions sur le public. Les lourds accords ont dompté les sinueux arpèges, la batterie agressive
a remplacé les cadences raffinées ; la musique de Joseph Arthur est devenu plus accessible,
plus démonstrative mais simultanément plus lointaine et moins authentique qu’auparavant.
Voilà une équation bien complexe, que l’artiste tente de résoudre sur scène. Mais certaines de
ses compositions perdent de leur essence avec cette nouvelle formation ; les deux musiciens
additionnels bataillent pour se familiariser avec ses démons mais ne font au final que de les détruire.
Le concert parfaitement carré s’achèvera ainsi au bout d’1h30 laissant une impression mitigée sur
la prestation et à long terme sur la voie qu’emprunte Joseph Arthur.
Rita Carvalho